Pourquoi a-t-on inventé les brevets ?


Le brevet, une curieuse invention...
mais ça marche!
Les brevets d'invention sont des outils juridiques qui ont été créés il y a plus de 200 ans. Ils donnent à l'inventeur un monopole, qui est avantageux pour lui et semble être désavantageux pour tous les autres.

Mais pourquoi les législateurs, qui sont censés défendre le bien commun, auraient-ils inventé ces brevets qui ne sont, en apparence, intéressants que pour une minorité ?


Un système "gagnant-gagnant"

 

Un brevet est en fait un accord gagnant-gagnant entre l'inventeur et l'ensemble de la Société :

  • l'inventeur explique son invention, pour que tous puissent la reproduire ;
et, en échange,
  • l'ensemble de la Société (représentée par l’État) lui garantit le monopole de cette invention pendant un certain temps.
Ce système a perduré parce que, finalement, tout le monde trouve son compte à cet échange.

 

Pour l'inventeur : un monopole, dans certaines limites

 

Dans notre économie de plus en plus libérale, donner un monopole sur un produit ou un service semble être un cadeau extraordinaire. Les législateurs ayant créé le brevet ont en effet considéré qu'il était juste de récompenser l'inventeur afin d'encourager le progrès technique.

Et certains titulaires de brevets tirent le plus grand profit de leur monopole.

Leur droit est cependant borné par trois limites importantes :
  • Une limite sur l'objet du monopole : il doit porter sur une invention qui respecte certains  critères, notamment le critère de nouveauté à la date du dépôt.
  • Une limite dans le temps : le monopole ne dure normalement pas plus de 20 ans, mais il est courant qu'un brevet soit abandonné bien plus tôt
  • Une limite dans l'espace : le monopole étant donné par un Etat, il ne s'étend que sur un pays à la fois. Il faut donc multiplier les procédures quand on veut se protéger dans plusieurs pays.
De plus, le demandeur du brevet doit rendre publique son invention et investir de l'énergie et de l'argent pour obtenir la protection d'un brevet.

L'avantage donné à l'inventeur est donc réel, et parfois important, mais il n'est pas simple à obtenir ! Et il comporte une importante contrepartie pour toute la société en terme de diffusion des connaissances techniques.

Par exemple: Quand 3M a déposé le brevet de base du Post-it, ils ont limité leur protection (sans doute pour des raisons de coût de la procédure) aux USA, au Canada, au Japon, et en Europe à la France, l'Allemagne, et la Grande-Bretagne. Chacun avait le droit de les copier dans le reste du monde.  Dans les années 2000, 20 ans après le dépôt, leur monopole expirait partout et les concurrents pouvaient les copier, d'autant plus facilement que le procédé de fabrication était expliqué en détail dans le brevet.


Pour la société : des informations techniques gratis !

 

La principale contrepartie au monopole est l'information technique gratuite donnée par l'inventeur, dont bénéficie la société toute entière.

Concrètement, les modes d'emploi détaillés pour reproduire toutes les inventions pour lesquelles on a un jour demandé un brevet sont disponibles en libre accès, pour tous (par exemple ici ou ) après une brève période de secret. Il y en a plus de 90 millions, ce qui fait une base de données technique qui n'a pas à rougir devant Wikipédia !

Même s'il faut un peu d'expérience pour trouver la bonne information et la comprendre, les ingénieurs ont donc à leur disposition des descriptions de très nombreuses solutions inventives. Fréquemment, leur monopole est déjà tombé, elles sont donc dans le domaine public et peuvent être utilisées par tous sans restriction.


Par exemple : si vous vous intéressez aux drones, la lecture de quelques uns des brevets  récents de Parrot vous donnera de nombreuses informations techniques utiles. Dans les pays où les brevets sont en vigueur, l'utilisation des inventions est en principe réservée à Parrot. En revanche, vous pouvez copier sans problème les techniques décrites dans les brevets ayant plus de 20 ans.

Les lecteurs de ce blog sauront bientôt, je l'espère, profiter au mieux des brevets sur leurs propres inventions et celles des autres !